Les noms de l’île des faisans au fil des siècles

L’île des faisans, qui se dit Faisaien uharte en basque ou encore Isla de los faisanes en espagnol, a eu maintes et maintes appellations au cours de l’histoire. Le premier nom que nous connaissons aujourd’hui remonte à l’époque romaine, donc il y a plus de 1500 ans, où l’île était connue sous le nom de Pausu, nom qui englobait le bout de terrain et le proche quartier. Elle a également été appelée insura haundia, ce qui signifie la grande île en basque, jusqu’à 1658, moment où elle entra en postérité. Elle fut alors renommée sous le titre île des faussans, qui a très naturellement dérivé en île des faisans. Elle fut entre temps appelée île de l’hôpital, car elle appartenait au prieuré-hôpital de Saint Jacques de Subernoa, et île de la Conférence à partir de 1690. Cette appellation est toujours en vigueur.

Aujourd’hui, il n’y a aucune réponse concrète sur la raison d’un tel nom. Cependant, des théories subsistent.

• La première serait la présence ancienne des oiseaux sur l’île, qui est peu probable, car, malheureusement, aucun de ces volatiles n’y sont présents de nos jours.
• Autrement, un “faisant” serait un pontonnier, c’est-à-dire un passeur à l’époque, pour accéder à l’île.
• De plus, une “faisance” signifie une redevance due pour un bien appartenant à autrui. Le péager recouvrait donc l’argent pour le passage de la Bidassoa, le fleuve côtier du Pays Basque sur lequel l’île est située.
• Enfin, “Faisant” comme “faiseur de paix”. Ce nom est également plausible, en mémoire des différents traités y ayant été signés entre la France et l’Espagne.

L’origine de la double nationalité de l’île des faisans

Pour comprendre la double souveraineté de l’île des faisans, il faut remonter le temps jusqu’au 15ᵉ siècle. À l’époque, l’île est lieu de rencontres diplomatiques franco-espagnoles. En 1463 se rejoignirent les rois Louis XI de France et Henri IV de Castille, et en 1526, Charles Quint y emprisonna François Ier (qui fut d’ailleurs échangé par la suite contre ses deux fils). Mais le partage royal de l’île commença en 1615, lorsque deux fiançailles royales eurent lieu : la fille d’Henri IV, Elizabeth, et le roi d’Espagne Philippe IV, et leurs frères et sœurs Louis XIII et Anne d’Autriche. Au XVIIIᵉ siècle, d’autres échanges royaux d’enfants promis à des fiançailles eurent lieu sur l’île : Marie-Anne Victoire et Louis XV, Louise-Elisabeth d’Orléans et Louis Ier d’Espagne, Philippine-Elisabeth d’Orléans et Charles III.

De nombreux débats eurent lieu sur l’île au cours des siècles : les négociations concernant les mariages royaux, le traité de paix des Pyrénées, les traités de Bonne Correspondance…, d’où l’appellation “île de la Conférence”. Elle appartenait alors à la ville de Fontarrabie, commune de l’actuel Pays Basque espagnol.

Le statut de condominium : six mois française, six mois espagnole

Le 2 décembre 1856 fut signé le traité de Bayonne entre la France de Napoléon III et l’Espagne d’Isabelle II. Cet accord a pour but de préciser le traité des Pyrénées. Il permit notamment de déterminer précisément la frontière entre les deux territoires. Voici l’article 27 du traité : “L’île des Faisans, connue sous le nom d’île de la Conférence, à laquelle se rattache tant de souvenirs historiques communs aux deux Nations, appartiendra, par indivis, à la France et à l’Espagne.”

Quelques années plus tard, en 1901, une convention fut signée afin de préciser les termes du traité, en matière de droits de police et de justice.

Pourquoi l’île des faisans passe-t-elle sous administration française puis espagnole ? Depuis la convention, la souveraineté est alternée tous les six mois, du 1er février au 31 juillet, elle est espagnole, et du 1er août au 31 janvier, elle est française. C’est la commission internationale des Pyrénées qui est chargée de régler les problèmes frontaliers, et l’entretien est géré respectivement par les villes d’Hendaye et d’Irun, appartenant aux Pays Basque, français et espagnol. Il s’agit du seul territoire ayant une souveraineté alternée dirigée par la marine dans les relations internationales contemporaines.

Un peu de géographie

L’île des Faisans est la seule île située sur le fleuve côtier Bidassoa, entre Hendaye et Irun. Elle est près de son embouchure et de la baie de Chingoudy, sur la frontière franco-espagnole. Elle mesure environ 40 x 210 m, et sa superficie globale est de 6820 m².

Elle est entourée d’une palissade et de pierres, qui ont permis à la France et à l’Espagne de ne pas la laisser disparaitre sous l’eau au cours des siècles. Les vice-rois actuels sont les commandants de la marine nationale de chaque pays.

Peut-on visiter l’île des faisans ?

Même si le droit de pêche y est accordé sur la Bidassoa, l’île est fermée au public. Elle accueille très rarement des visiteurs, lors de signatures de traités locaux, de passation de pouvoir, ou de journées du patrimoine.

Mais ne regrettez rien, même Victor Hugo a été déçu lors de sa visite : « Il n’y a pas de faisans dans l’île des Faisans, qui n’est qu’une façon de plateau vert. Une vache et trois canards représentent les faisans ; comparses loués sans doute pour faire ce rôle à la satisfaction des passants ». Sur l’île, il n’y a aucun habitant, aucune construction… mise à part une stèle érigée par Napoléon III et Isabelle II, en hommage au traité des Pyrénées, symbole de paix entre les deux États.

L’île des faisans à travers l’art

Si vous ne pouvez pas vous rendre sur l’île des faisans par vous-même, vous pourrez cependant y voyager à travers les différentes pièces d’arts qui lui ont rendu hommage. 

À travers l’une de ses fables, Les deux chèvres, Jean de la Fontaine évoqua l’île : “Je m’imagine voir, avec Louis le Grand, Philippe Quatre qui s’avance dans l’île de la Conférence”.

Honoré de Balzac y fit également allusion en 1844 dans son roman Modeste Mignon : “la dernière lettre écrite par Modeste, et que voici, permet d’apercevoir l’île des Faisans où les méandres de cette correspondance conduisaient ces deux amants”.

Chantal Thomas rédigea un roman historique sur les évènements concernant les échanges royaux d’enfants qui ont eu lieu sur l’île, intitulé L’échange des princesses”, qui fut adapté en 2017 au cinéma par Marc Dugain sous le même nom.

Enfin, deux peintres représentèrent l’île à travers leurs œuvres : Jacques Laumosnier avec Entrevue des deux rois sur l’île des Faisans, et Pierre Paul Rubens et L’échange des deux princesses de France et d’Espagne.